Le Bourguet fait son Ciné

Il y a seulement quinze jours, nous évoquions ici les puissances du cinéma documentaire et ses ressources propres : une relative indépendance économique, son goût de l’expérimentation, de la recherche formelle, son extrême diversité. L’actualité, en la matière, est à ce titre exemplaire. De Vivre avec les loups (auquel vous avez fait la semaine passée un formidable succès) à Pour ton mariage (dont nous accueillerons le réalisateur Oury Milshtein la semaine prochaine, notez-le bien : la rencontre s’annonce réjouissante), il y a un écart qui dit mieux que tout les infinies possibilités que recouvre le champ documentaire.

Si nous revenons à nouveau sur ce point, c’est que, pour la deuxième année consécutive, l’Ours d’or a été décerné ce week-end à Berlin à un film documentaire. Après Sur l’Adamant de Nicolas Philibert l’an passé, c’est Dahomey de Mati Diop qui a été récompensé. La foisonnante créativité du cinéma documentaire commence à être reconnue à une plus large échelle et c’est une bonne nouvelle.

Prenons à présent la programmation de cette semaine. Quoi de commun entre UNE SALE HISTOIRE de Jean Eustache et LE VOYAGE PERPÉTUEL de Markku Lehmuskallio et Anastasia Lapsui ? Une chose assurément, qui nous interpelle en tant que spectateurs, et qui les rend passionnants : leur absence de formatage, leur absolue sincérité, la très grande liberté dont ils font preuve – devenue si rare dans le cadre toujours plus étroit du cinéma standard, le cinéma du milieu, celui des professionnels de la profession. Jean Eustache, pas plus que Markku et Anastasia, n’était de ce milieu-là que l’entre-soi et l’auto-satisfaction caractérisent. En termes de production et de diffusion, une telle position, bien sûr, a un prix. Jean Eustache l’a payé très chèrement.

UNE SALE HISTOIRE est un film hallucinant, à contre-courant de toutes les modes, de toutes les bien-pensances, des années 70 à nos jours. C’est un film en deux temps, au cours duquel une même histoire de voyeurisme est racontée deux fois, avec les mêmes mots mais différemment. Et la brèche qui s’ouvre entre les deux récits met au jour une multitude de questions, troublantes et stimulantes jusqu’au vertige.

Deux séances sont prévues cette semaine, dont la première, samedi 2 mars à 19h00, fera l’objet d’une introduction.

Avant cela, ce jeudi 29 février aura lieu notre deuxième soirée consacrée à ces cinéastes du Grand Nord que sont ANASTASIA LAPSUI & MARKKU LEHMUSKALLIO. Deux autres films rares vous seront présentés : LE VOYAGE PERPÉTUEL et 11 IMAGES DE L’HOMME. Anastasia et Markku ne pourront hélas être des nôtres, pour raisons de santé. Mais à nouveau, Pascal Privet sera présent pour introduire les films et échanger avec vous. Un buffet vous sera offert entre les deux séances, et un tarif spécial de 12€ vous est proposé pour l’ensemble de la soirée. La carte d’abonnement ne peut exceptionnellement pas être acceptée mais sur présentation de celle-ci, vous bénéficierez du même tarif : 6,5€ par film.

LE VOYAGE PERPÉTUEL sera montré à 18h00, et 11 IMAGES DE L’HOMME à 20h30. La soirée est organisée en partenariat avec le festival Numéro Zéro et l’association Œil Zélé.

Bonne semaine à toutes et à tous.
Fabien David, réalisation Pierre Bayard. Merci à Radio Zinzine.
Le programme 91 en pdf

À L’AFFICHE CETTE SEMAINE
	20.000 ESPÈCES D’ABEILLES Cocó, huit ans, a bien du mal à savoir qui elle est. Au cours d’un été passé parmi les ruches du Pays Basque, elle éveille sa singularité au sein des femmes de sa famille, elles-mêmes en proie au doute. Dans un monde où il existe 20 000 espèces d’abeilles différentes, il existe forcément une identité qui corresponde à Cocó…

L’EMPIRE
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont
nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de
La Guerre des étoiles.
” Toujours aussi décalé, le réalisateur de “P’tit Quinquin”
orchestre un space opera burlesque sur ses terres du Nord. Un pari perché, parfaitement maîtrisé. ” Télérama

LE VOYAGE PERPÉTUEL
Une plongée dans le quotidien du peuple nomade des Nénètses, dans
la toundra du Grand Nord. Une vie où chaque acte élémentaire
semble un geste sacré dans ce grand rituel engagé entre l’homme et la nature.

11 IMAGES DE L’HOMME
Un chant du monde, une contemplation de l’univers dans lequel vit l’homme,
une réflexion philosophique et poétique universelle sur la manière dont il a évolué des premiers peuples à aujourd’hui.

LE ROYAUME DE KENSUKÉ L’incroyable histoire de Michael,
11 ans, parti faire un tour du monde à la voile avec ses parents,
avant qu’une terrible tempête ne le propulse par-dessus bord
avec sa chienne Stella. Échoués sur une île déserte, comment survivre ?
Un mystérieux inconnu vient alors à leur secours en leur offrant à boire et à manger…

THEY SHOT
THE PIANO PLAYER
Un journaliste de musique new-yorkais mène l’enquête sur
la disparition, à la veille du coup d’État en Argentine, de Francisco Tenório Jr, pianiste brésilien virtuose.
Tout en célébrant le jazz et la Bossa Nova, le film capture
une période éphémère de liberté créatrice,
à un tournant de l’histoire de l’Amérique Latine dans les années 60 et 70…

UNE SALE HISTOIRE
Un homme raconte devant une assemblée essentiellement
composée de femmes, qu’il a découvert, dans le sous-sol
d’un café parisien, un trou tout en bas de la porte des toilettes pour dames…
“Cette sale histoire, je voulais la faire depuis des années (…) j’ai trouvé
que la seule façon de faire ce film c’était le récit, filmer le type
qui raconte l’histoire.
C’est le film impossible à faire, je le déclare impossible.
J’essaie de l’écrire, et je ne le peux pas, donc je la fais raconter.
J’ai inclus ma préoccupation et ma recherche dans le film.”
Jean Eustache